Voilà deux ans, deux jeunes personnes parcouraient le monde, en suivant chacune une direction qui n'était pas censée pouvoir un jour recouvrir celle de l'autre. L'une, abandonnée à la naissance, sillonnait la Tyrie en quête de ses origines, tandis que l'autre, qui n'avait jamais manqué de rien, s'était jurée de venger la mort de ses parents en faisant renaître de ses cendres un Ordre pluriséculaire ...
Leur émerveillement commun devant les splendeurs de la Nature devait les conduire toutes deux, un soir, à prendre un repos bien mérité dans les eaux tumultueuses d'un lac majestueux, féérique étendue aquatique ne subsistant plus désormais que dans les tréfonds de leurs souvenirs les plus chers.
Lorsqu'elles se découvrirent, nul n'aurait alors pu penser qu'un jour, ces deux personnes éprouveraient l'une pour l'autre des sentiments si forts et si intenses, qu'ils transcenderaient les liens du sang ...
Surprise et honteuse de ressentir des émotions coupables, la Vengeresse chercha à dissimuler celles-ci du mieux qu'elle le put, allant jusqu'à se convaincre qu'elle était tout simplement en train de perdre la tête, de devenir folle à lier. Seulement, son coeur, lui, ne voulait pas entendre parler de raison, et décida de lui faire comprendre à sa façon combien son attitude de repli sur elle-même était vaine, en l'incitant à rédiger une longue lettre à l'adresse de l'Orpheline. Une lettre que les liens si particuliers qui les unissaient devaient pourtant rendre inconcevable, irréalisable. Ceux-ci remportèrent d'ailleurs peut-être la lutte entre le coeur et la raison, puisque la mystérieuse missive devait, peu de temps après sa rédaction, trouver comme destinataire les braises d'un feu de cheminée ... Au grand dam de son auteur, qui passa la nuit cloîtrée dans une petite chambre, couchée sur un lit, la tête enfoncée dans son oreiller, à pleurer toutes les larmes de son corps.
Alexia passa deux années au côté de l'Orpheline, prenant le plus grand soin à ne pas lui dévoiler ses sentiments. Les reproches imaginaires que lui faisait son père, lorsqu'elle cherchait à trouver le sommeil, parvinrent un temps à la dissuader de toute entreprise hasardeuse.
Seulement, l'Orpheline, remarquablement dotée par la Nature, ne manquait pas de faire tourner les têtes sur son passage, ne se privant qui plus est jamais de le lui signaler, le sourire aux lèvres. Et bien que feignant l'indifférence, Alexia en souffrait terriblement, passant ses nuits à errer dans l'atmosphère apocalyptique et empuantie de ce qui fut autrefois qualifié d'Eden, à trancher d'un geste rageur têtes et troncs, bras et jambes ...
Et c'est alors que tout espoir lui semblait perdu, que les deux jeunes femmes se donnèrent rendez-vous au sommet d'une colline, arguant chacune d'une révélation de la plus haute importance, dont l'autre se trouvait être la destinatrice.
Elles tournèrent un certain temps autour du pot, hésitantes, craintives envers la réaction attendue, avant de se découvrir une communauté de sentiments : dans les bras l'une de l'autre, elles venaient enfin de s'avouer qu'elles avaient secrètement partagé la même flamme!
J'ai si longtemps pleuré cet amour que je croyais impossible ...
Entre deux soeurs ... deux jumelles ... Voilà deux ans, j'ai découvert l'amour sur l'Eden, alors que je ne l'y attendais plus ...
Depuis deux ans, mon coeur bat à tout rompre lorsque je la vois, ou lorsque je pense à elle.
Je vis comme un privilège chaque seconde passée en sa compagnie.
Pour elle, je suis prête à faire le sacrifice de ma chair et de mon sang.
Je suis prête à défier les dieux eux-même, si d'aventure ces derniers devaient avoir l'audace de se mettre en travers de notre route ...
Bien davantage que l'obsession de mes pensées, elle est cette partie de moi dont l'absence m'interdisait jusqu'alors de connaître le bonheur le plus absolu que l'on puisse concevoir ...
Je suis folle amoureuse d'une femme que j'ai profondément blessée il y a deux jours, et qui depuis recule de deux pas lorsque j'essaie maladroitement d'en faire un dans sa direction ...
Ma soeur chérie, je t'aime. Je t'aime à en crever ... Mais je ne sais plus comment m'y prendre pour réparer tout le mal que je t'ai fait.
Prendre un bain seule m'est devenu insupportable, et la vue de mon reflet à la surface de l'eau me donne envie de me lacérer le visage, tant j'ai ce sentiment de ne plus mériter de te ressembler ...
Nymphea, tu m'as trop apportée pour que je puisse vivre loin de toi, et la vie que tu me contrains à mener depuis 48h m'est insoutenable ...
Je ne veux pas te perdre.
*Le regard dirigé vers la Lune pleine, les yeux envahis de larmes, Alexia, debout face à l'océan, tira chacune des ficelles retenant son armure. Au diable son orgueil d'aristocrate! Elle s'agenouillait à présent dans le sable, complètement nue, insensible aux regards des badauds qui lui tournaient autour, hilares*Vois en quelle estime je me porte! Je t'en prie, petite soeur, manifeste-toi ... Gifle-moi, s'il le faut, de toutes tes forces! Mais montre-toi ...
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