Lettre à mon ange

La lune baignait de sa douce clarté la petite chambre d'une jeune guerrière à la chevelure de feu. Les douze coups de minuits étaient passés depuis bien longtemps et pourtant la fière combattante n'arrivait pas à trouver le sommeil, tourmentée par cette solitude qui la rattrapait à nouveau...

Toute la journée, malgré le radieux soleil qui rayonna des heures durant, elle était restée cloîtrée dans sa chambre, rêveuse, les yeux dans le vague, n'allant ni manger, ni boire, seule dans sa mélancolie...

Sa cousine, sa chère moitié, était partie combattre un affreux dragon, accompagnée de ses vaillants compagnons d'armes, à l'autre bout de la Kryte, dans une région sauvage et inhospitalière. Depuis son réveil jusque sous ses draps elle ne pensait qu'a sa chère et tendre, morte d'inquiétude à son sujet. Elle qui n'avait pu être du voyage pour des raisons familiales, se morfondait depuis maintenant deux jours, dans sa solitude et sa détresse...

Ne pouvant plus tenir, elle se leva, alluma la maigre chandelle qui lui donnait un peu de lumière et s'assit. Saisissant sa plus belle plume, celle que lui avait offert voilà tant d'années son cher père, elle sortit une feuille et écrivit ces quelques lignes à l'attention de sa bien-aimée :





La jeune guerrière reposa sa plume, et resta rêveuse pendant de longues minutes sans bouger. Puis se rappelant que le ravitaillement nécessaire à l’expédition de sa chère moitié devait partir dans moins d’une demi-heure, elle revêtit une robe à la hâte et déposa quelques gouttes de son nouveau parfum à la rose après avoir soigneusement cacheté la lettre. Elle glissa dans le pli un bel iris rouge qu’elle avait cueilli sur la colline où elles s’étaient embrassées pour la première fois voilà quelques jours maintenant. Descendant l’escalier à toute vitesse, c’est un quelque peu surpris par cette course nocturne qu’elle trouva au comptoir. Après s’être assurée qu’il était bien le responsable du ravitaillement, elle lui demanda de remettre cette lettre à Alexia Ombrepierre uniquement et le remercia en lui versant un pourboire.

Les impératifs de la guerre l'ayant poussée à délaisser un temps sa jolie robe de soie au profit de sa traditionnelle tenue de gladiatrice, Alexia, juchée sur son cheval, s'apprêtait à partir en reconnaissance dans les environs immédiats du camp qu'ils avaient dressé. La monture s'étant gorgée d'avoine, mieux valait y aller doucement et ne surtout pas la brusquer à travers une course menée tambour battant au milieu de ces marécages suppurants. En fait, pour l'heure, la sagesse lui commandait d'éviter de pénétrer trop à l'intérieur des lignes défendues par les sbires d'Ecaille Morte.
Ce fut donc au trot qu'elle quitta le campement, cheveux au vent, le visage baigné par la blancheur immaculée du soleil matinal. Imposant soudainement une halte à son fidèle destrier, elle fit faire demi-tour à ce dernier et porta son regard en direction de la partie orientale du royaume krytien. Crispant ses mains sur les rennes, elle ne pouvait s'empêcher de penser à elle... Elle que des affaires familiales retenaient de l'autre côté de ce paysage vallonné...

La jeune femme était en cet instant si absorbée par ses pensées, que c'est tout juste si elle se rendit compte de l'arrivée d'un petit homme au visage poupin.


Pierre : J'ai bien cru ne pas vous retrouver, mademoiselle Ombrepierre *sourit, opinant poliment de la tête* Encore quelques mètres, et je revenais sur mes pas, vous savez... *Balayant le décor environnant, il se sentit subitement mal à son aise* Si vous le permettez, je préfèrerais même de beaucoup regagner le domaine... Brrrr! Il fiche la chair de poule, cet endroit!

Alexia, posant chaleureusement la main sur son épaule : Ne me dis pas que tu as fait tout ce chemin depuis nos terres pour me prévenir de ton envie d'y retourner ? *sourit*


Le responsable du ravitaillement de l'Ordre correspondait trait pour trait à l'imagerie populaire du "bonhomme", à savoir un personnage quelque peu malmené par son embonpoint, mais toujours souriant et affable. Bien que n'ayant aucune envie de s'éterniser plus que de raison dans ce "petit paradis perdu", le petit homme avait à coeur de remplir la mission qui lui avait été confiée. Sortant avec précaution la missive de sa besace, il la lui tendit avec empressement, non sans faire preuve d'un peu d'humour.


Pierre, taquin : A en juger par l'odeur qui s'en dégage, je dirais qu'il s'agit d'une femme, et que celle-ci vous aime beaucoup-beaucoup...

Alexia, la lui prenant des mains en fronçant les sourcils : Elle m'est destinée, non ? *Approche son nez du dos de la lettre, esquissant un large sourire* Elle n'a pas mis de nom sur le cachet, mais ce parfum vaut toutes les signatures...

Pierre, faussement penaud : Il est donc inutile que je vous donne l'identité de celle qui me l'a remise...

Alexia, décachetant discrètement le message d'un simple glissement d'ongle : En effet. Toutefois... Peux-tu me dire si elle portait quelque chose autour de son cou ?

Pierre : Comme par exemple... un collier d'or, enserrant un cristal de roche ?


Troublée par la réponse qui venait de lui être faite, la jeune femme se retourna, voulant éviter de trahir ses émotions devant l'un de ses hommes. Ses joues venaient en effet de prendre une extraordinaire coloration rosée...


-La suite dans quelques instants!-

Elle venait de lire cette lettre pour la quatrième fois, certains passages, davantage encore.
Les yeux rougis par l'émotion, la guerrière demanda au messager de bien vouloir patienter quelques minutes, le temps pour elle de griffonner quelques mots sur un parchemin. Submergée par une irrépressible lame de fond amoureuse, des larmes commencèrent à couler de part et d'autre de ses joues, larmes qu'elle s'empressa de réprimer d'un revers de sa manche, pour ne pas risquer de tâcher la missive.


Alexia, un sourire gêné à l'endroit de Pierre : Mes yeux ne sont visiblement pas lagons pour leur seule couleur *sourit*


S'installant pour une petite heure à l'ombre d'un peuplier les pieds nus dans l'herbe, Alexia, une plume à la main, était en quête d'inspiration, soucieuse de ne pas décevoir celle qui, désormais, partageait sa vie.





Signant la lettre de sa plus belle écriture, la fille d'Ayx apposa ses lèvres sur le document, prenant soit d'y laisser une empreinte non-équivoque. Elle croisa les doigts pour que cette petite attention plaise à sa moitié, et ne la fasse pas -au contraire- passer pour une gamine légèrement puérile.
Glissant l'iris qu'elle avait reçue d'Aliana dans sa chevelure, elle se dirigea vers le gentil Pierre, l'enjoignant de remettre au plus vite la missive à sa merveilleuse compagne, restée au domaine de l'Ordre.

A l'instant où le messager allait partir, elle le tira par le bras, couvrit sa bouche d'un gros bout de sparadrap, et l'embrassa avec toute la fougue dont été capable une femme restée trop longtemps seule et désireuse de rattraper le temps perdu!


Alexia, se dégageant lentement du commis : Vous... Tu... Tu lui transmettras ce baiser de ma part... *plaça discrètement dans ses mains le rouleau de sparadrap* En prenant soin de ne surtout pas oublier l'accessoire indispensable qui va avec, hein. Gare à toi si j'apprends que tu n'y as pas pensé!