Vengeance en Ascalon

Voilà une quinzaine d'années qu'elle n'avait plus remis les pieds dans ce village de pêcheurs. Soulevant la poussière à chacun de ses pas, elle avançait lentement en direction de la fontaine grossièrement ouvragée qui marquait le centre de la petite communauté.
Partout autour d'elle grondait la ferveur populaire propre au passage vers la nouvelle année. Les enfants, dont certains se trouvaient pour l'occasion déguisés en monstres marins, couraient à perdre haleine dans les ruelles étroites, criant, hurlant à tue-tête, tandis que les adultes convergeaient vers les rivages du lac nourricier situé en périphérie.

Assise au pied de la fontaine, ses bras entourant ses longues jambes blanches, la jeune femme suivait du regard la petite procession, s'impatientant de voir enfin les lieux se vider de leur population.
On a coutume de dire que le temps seul cicatrise les blessures de l'âme. Mais bien qu'elle ne soit pas d'une nature particulièrement rancunière, jamais elle n'était parvenue à leur pardonner l'enfance cauchemardesque que ces villageois lui avaient faite subir.
Le dernier garnement ayant fini par rejoindre les jupons de sa mère, elle se releva, un discret sourire au coin des lèvres. Escaladant sans se mouiller la statue qui vomissait son torrent d'eau, Adeline, une fois parvenue au sommet, se retourna, attardant son regard du côté d'une fenêtre dont les bougies étaient restées allumées. Déçue de ne pas y voir se découper dans la clarté une silhouette familière, la magicienne, passé un semblant d'hésitation, ferma les yeux.
Un silence de mort plana sur le village une longue minute, avant qu'un hululement suraigu ne se fasse entendre.

Pendant ce temps-là, des berges du lac, alors que montaient vers le ciel les prières adressées à Dwayna et Mélandru, des enfants aux yeux ronds comme des billes s'émerveillaient d'un extraordinaire spectacle, lequel suivait le chemin inverse, descendant des étoiles pour illuminer de milles feux la maison de leurs parents.

Se tenant debout au milieu des décombres calcinés, le visage couvert de cendres, la pyromancienne avisait de ses grands yeux bleus le rassemblement qui s'était organisé au bord du lac. La rage intérieure qui avait ravagé son coeur des années durant ne s'était pas éteinte avec la destruction du village, estimant sans doute que celle-ci constituait un châtiment par trop clément au regard de l'Enfer que ses habitants lui avaient autrefois fait vivre.
Malgré tout, ce soir, elle leur laisserait la vie sauve, les arguments de sa jumelle, l'autre Adeliyne, ayant fini par emporter sa conviction. Il serait injuste de faire payer aux enfants les erreurs commises par leurs parents en en faisant des orphelins, quand bien même ces enfants n'auraient de toute évidence pas agi différemment de leurs aînés envers elle.

Devinant au mouvement de foule perceptible dans le lointain que l'alerte venait d'être donnée, Adeline Firestorm se drapa dans une lourde cape de cuir, avant de s'en retourner d'où elle était venue.
2007 resterait à jamais gravée dans la mémoire collective des villageois, lesquels attribueront vraisemblablement aux dieux la paternité du geste purificateur...

Les pieds nus et le visage encore noirci par endroit, Adeline s'en revenait d'une nuit de la Saint Sylvestre pour le moins agitée. Descendant péniblement les marches qui conduisaient au hall d'entrée, elle apercevait déjà, à travers les vitres donnant sur la cour, ces clients assoiffés dont les appels désespérés avaient achevé de la réveiller.

Adeline Firestorm, serrant les poings, exaspérée : Bouh!! Je n'ai déjà pas pu fermer l'oeil de la nuit... Qu'il aillent tous à Grenth, qui saura les recevoir, lui!!

Compte-tenu de son humeur en pareille occasion, elle aurait très facilement pu leur apprendre à sa manière quelques élémentaires règles de savoir-vivre, mais une petite voix dans sa tête lui assurait qu'il valait mieux ménager la clientèle si l'on voulait la voir revenir ensuite.
Aussi alla-t-elle dans un premier temps gentillement entrebailler la porte d'entrée, avant de la refermer brutalement à la figure de tout le monde!

Adeline Firestorm, collant une oreille attentive à la porte, et parlant d'une voix de fausset : Oups! Pardonnez-moi, ma main aura glissé sur la poignée *rougit*

Sa petite plaisanterie l'amusait beaucoup. Il est vrai qu'Adeline, en grande gamine qu'elle était restée, prenait souvent plaisir à décliner les invitations qui lui étaient faites à partir résoudre des quêtes à travers le monde. "Tu ve maidé pr la ket du lutin farsseur adelin ?" "Non" "ms pk ???" "Pas envie. Demande aux mercenaires, ils ne te refuseront rien, eux"
Toujours est-il qu'à présent réveillée et à deux pas du comptoir, il eut été bête de remonter sans s'être versé...

Adeline Firestorm, sursautant devant une découverte inattendue : *!!!* OH!! Ca par exemple!!

Près de l'entrée, sur une table, trônait une flûte à champagne encore partiellement recouverte de mousse!! Se pourrait-il que sa propre soeur... Secouant la tête, Adeline n'imaginait pas celle-ci se servir sans l'avoir préalablement invitée à la suivre. Quoique la sachant fatiguée par son activité de la nuit en Ascalon, elle eut pu... Mais non, elle l'aurait entendue descendre, son sommeil ayant été des plus légers! Quelqu'un avait de toute évidence choisi de fêter la nouvelle année ici, sans en avoir requis l'autorisation des gérantes!
Un rapide coup d'oeil en direction d'un mur pivotant, preuve de l'existence d'un passage secret, signa le méfait. Alexia, avant de partir, lui avait expliqué que l'établissement était truffé de ces tunnels autrefois bâtis pour échapper aux assaillants, et que la seule personne à les connaître tous n'était autre que son meilleur client, Maxyim Ambre. Lequel n'avait dès lors pas besoin de clés pour s'inviter dans les lieux et effectuer son périple familier le conduisant de la réserve en alcools au comptoir.
Hésitant à bloquer le passage en y faisant coulisser une lourde armoire, la jeune femme baissa les bras devant une telle entreprise.

Adeline Firestorm, dirigeant ses pas vers le comptoir : De toute façon, pour un tunnel bloqué, combien d'autres... *s'empare d'une flûte à champagne* J'ai cru comprendre que c'était un vrai gruyère, ici... *gagne instinctivement la table à laquelle le seigneur venait de trinquer* Qui sait si l'un d'eux ne conduit pas à ma chambre... *se verse délicatement une petite goutte de la bouteille que ce dernier lui avait abandonnée en partant* Enfin... Bonne et heureuse année 2008, la Tyrie!!

Sitôt bu ce délicieux champagne, la jeune femme, qui ne tenait visiblement guère l'alcool, s'effondra sur sa chaise, nullement troublée par les clients qui tambourinaient comme des boeufs à la porte d'entrée!

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