Dernière ligne droite avant l'assaut final!

Embrasant la colline pour quelques minutes encore, le soleil se préparait à tirer sa révérence.
Disposée en cercle autour de son feu de camp, la relève du Blanc Manteau reprenait des forces comme elle le pouvait. Tandis que certains avaient pris le parti de rejoindre le monde des rêves, d'autres s'appliquaient à achever gouluement leurs dernières rations de nourriture.

Accroupie à moins d'un mètre du brasier, Alexia, dont le tour était venu d'assurer la garde du campement, s'amusait à dessiner quelques figures sur le sol : ici une hydre à trois tête, là un coeur qu'elle effaça aussitôt... L'enjeu ne paraissait pas avoir d'emprise sur elle, avant que les hurlements en provenance de la petite pyramide ne la la ramènent un temps à la réalité du danger environnant. Ecaille-Morte et sa cour n'avaient de toute évidence pas sommeil, ce qui n'augurait rien de bon pour les opérations à venir. Abandonnant la surveillance du feu à deux gardes, la guerrière s'engouffra dans la grande tente faisant office d'entrepôt, à la recherche de vêtements propres et d'un drap de bain. Prenant la direction d'un étang d'eau claire qu'elle avait remarqué la veille en passant à cheval, la fille d'Ayx était bien décidée à vaincre l'angoisse qui commençait à s'emparer d'elle.

Arrivée à destination à l'issue d'une marche n'ayant pas excédé le quart d'heure, elle s'assura d'être bien seule sur les lieux avant de retirer une à une les différentes parties de son armure de gladiatrice, qu'elle déposa avec soin au pied du seul chêne présent sur le rivage. Défaisant la broche qui maintenait sa queue de cheval, ses longues mèches écarlates glissèrent de part et d'autre de son cou telles deux bras de lave contournant une impasse rocheuse... Progressant à pas mesurés vers le coeur de l'étang, elle ressentit un frisson de plaisir lorsque son pied perça la surface argentée du domaine aquatique : elle était fraîche. Bien plus qu'elle ne se l'était imaginée. Mais dans un tel climat de moiteur ambiante, la morsure du froid tenait de la caresse la plus délicate, et c'est avec une délectation sans égale qu'elle passerait une petite heure à l'écart de camp et des préparatifs annonçant les combats à venir.


Pendant ce temps-là, non loin de l'étang, la caravane de l'Ordre accueillait avec bienveillance le réveil de quelques uns des plus plus grands aventuriers que comptait la Tyrie... Si tous n'étaient pas membres de la guilde, chacun jouissait malgré tout d'une renommée ayant de longue date franchi les bornes du royaume krytien.

Surgissant de l'entrepôt une imposante marmite à la main, Bernard, le tavernier, s'apprêtait à concocter aux convives l'un de ses délicieux chocolats au lait dont il avait le secret!


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Note : les non-guildiens peuvent bien entendu participer à cette longue veille *clin d'oeil*
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Tout près de l'étang, quelques herbes hautes bougèrent. Tapies derrière, deux paires d'yeux observaient la jeune guerrière en train de se baigner...

La route avait été longue et parsemée d'embûches et, Sylvelyn et Ragnar, ayant voyagé furtivement, étaient venus là pour se désaltérer. Considérant la nudité de la guerrière, et la tranquilité du moment qu'elle s'était octroyée, Sylvelyn estima qu'il valait mieux respecter son intimité.

Sans un bruit, Sylvelyn fit un geste de la main à l'adresse de Ragnar et, lentement, à reculons, le félin et sa maîtresse s'éloignèrent de l'étang.

Sylvelyn avait perçu l'odeur du feu de camp depuis quelques temps déjà et, voyant le soleil mordre l'horizon, elle décida de se rendre directement là-bas. Ragnar et elle trouveraient nécessairement sur place la chaleur et la sécurité pour la nuit, ainsi que quelques compagnons et, sans doute, elle se rappellerait de certains d'entre eux.

Depuis quelques jours, une simple question de Meli lui avait subitement rendu la mémoire : "Tu n'as pas de guilde ?".
Il avait suffi de ces quelques mots pour que les portes s'ouvrent... et tout était revenu d'un bloc : la vie solitaire, par choix, l'irruption de Darius et ses efforts patients pour lui faire découvrir la confiance... et sa propre valeur.
Et d'autres souvenirs, moins désirés ceux là : son père et sa discutable éducation, la fuite qui s'en était ensuivie, les moments durs pendant ces années d'errance et, plus dur encore, une fameuse plage, où elle avait bien failli être anéantie, n'eût été Ragnar parti chercher du secours.

Sylvelyn posa les yeux sur Ragnar avec tendresse et, comme par automatisme, sa main vint flatter la crinière du félin, qui vint se frotter contre elle. S'accroupissant devant lui pour se mettre à sa hauteur, Sylvelyn déposa un baiser sur la truffe de Ragnar. Ils se regardèrent les yeux dans les yeux, ignorants du monde alentour, pendant de longs instants. A l'unisson.

Sylvelyn ébouriffa la tête de Ragnar et se releva. Elle regarda dans la direction du feu de camp, qui n'était plus bien loin.

- il est temps, se dit-elle, allons-y...

Avec des gestes rapides et précis, la rôdeuse rajusta les sangles de son armure, et s'élança au trot vers le feu dont elle commençait à voir les lueurs dans le crépuscule.

Le soleil, lui, continuait sa course immuable et nonchalante vers les terres mystèrieuses au-delà de l'horizon. Tout était calme et tranquille, comme l'oeil du cyclone.
Une longue soirée de veille s'annonçait, juste avant la tempête...