L'une s'endort, l'autre s'éveille

La nuit était bien avancée maintenant. Adeline était plongée dans un sommeil profond, un sommeil qui n’était nullement dérangé par le bruit à peine audible de la légère brise qui soufflait au dehors. L’oreiller n’avait toujours pas quitté son étreinte, une étreinte qui pouvait laisser penser que ce banal objet était devenu le plus beau des trésors, un de ceux que l’on ne lâcherait pour rien au monde.


Soudain, le corps de la jeune femme fut pris de tremblements. D’abord de faible intensité, puis de plus en plus fort a tel point que l’oreiller fut projeter a l’autre bout du lit. Cela pris fin comme c’était venu, net, brutalement. Les yeux d’Adeline s’ouvrir doucement et très lentement elle se redressa, restant assise sur le lit un long moment en inspirant et expirant, comme si elle savourait la moindre bouffée d’air. Elle plaça ses mains a la hauteur de ses yeux, les regardants attentivement, faisant bouger chaque doigts avant de les placer sur son visage qu’elle ausculta un long moment.


*D’une voix à peine audible* J’ai… J’ai… J’ai réussis, enfin… Apres tout ce temps…


La jeune femme se leva d’un bond et se précipita devant le grand miroir trônant dans la chambre. Telle une femme coquette essayant une nouvelle robe chez le marchand, elle se regarda sous tous les angles puis, visiblement rassurée, elle se mit à sourire à son propre reflet.


-Heureuse de voir que tu n’as pas abimé notre joli corps, petite sœur *la voix était à présent redevenue normale* Mais cette maudite sorcière, elle ne m’avait pas prévenue des possibles complications… Si je l’attrape celle là ! *serre les poings de colère*


Adeline se détourna du miroir et pris un livre dans la bibliothèque, la petite collection privé des livres de magie des deux sœurs. A l’aide d’une coupe papier, elle en entailla la couverture pour en extraire un parchemin qui n’était visiblement pas de première jeunesse, tant le papier avait jauni.


- *fermant les yeux* Ma puce, j’espère que tu me pardonneras ce vilain tour… Mais si je ne le fais pas maintenant… C’est peut être ma seule chance…


Ouvrant à nouveau les yeux, elle se concentra de toutes ses forces et prononça la formule inscrite sur le parchemin. A l’instant même ou elle eu prononcé le dernier mot, le parchemin se consuma littéralement, et une lumière d’un rouge intense, aveuglant, entoura le corps de la jeune femme. Le pouvoir de la magie était visiblement très puissant, si bien que la taverne entière tremblait sur ses fondations. Dans la chambre, on aurait dit qu’une tornade avait envahit les lieux, faisant tomber les cadres accrochés au mur et voler les papiers dans tout les sens. A peine pouvait-on distinguer dans la lueur rouge que le corps d’Adeline se divisait en deux entités qu’une explosion de lumière blanche se produisit, et avec elle cessa l’impressionnant déferlement de magie.


Le calme était revenu…

Rouvrant lentement les yeux, Adeline eut la surprise de se découvrir debout, devant sa bibliothèque, sommairement vêtue d'une... demi-robe luxonne, coupée à la verticale! A ses côtés se tenait dans un mimétisme parfait une autre jeune femme, identique à elle en tout point, jusque dans sa demi-nudité.
Tirant pudiquement sur sa moitié de vêtement afin qu'elle lui couvra au mieux la poitrine, la magicienne, dont les yeux demeuraient grands ouverts, se tourna médusée vers cette invitée inattendue. La détaillant des pieds à la tête, son coeur s'emballa lorsqu'elle reconnut sur sa fesse droite une petite forme géométrique qui valait toutes les signatures!

Adeline, au comble du bonheur, mais joueuse, l'index pointé vers la fesse à découvert : Mademoiselle qui me ressemblez si fort, si j'étais vous, je me dépêcherais d'essuyer la vilaine tâche de boue qui marque votre postérieur *sourit*

Adelyne ne pu réprimer un rire devant la remarque de son double. Plus que la remarque, c’était le geste que les deux doubles avaient fait exactement au même moment qui la faisait rire, à savoir cacher les attributs de leurs féminités. Elles qui pourtant connaissaient leurs anatomie sur le bout des doigts se retrouvaient gênées comme devant un inconnu.


La jeune femme vint se placer devant sa sœur, la dévisagea des pieds a la tète avant de plonger son regard dans ses yeux bleus azur.


Adelyne, dont l’index se posa sur le bout du nez de sa jumelle : Dites donc vous, après cette longue absence c’est tout ce que vous trouvez à dire d’aller me faire prendre une douche ? *rit*

Adeline, attrapant du bout des lèvres le doigt de sa soeur : Oh, mais non, pensez-vous... Je pourrais aussi vous demander par quel miracle vous apparaissez soudain à côté de moi, vêtue d'une partie de ma robe préférée du moment *sourit*

Rendant la liberté à son index taquin, Adeline prit sa jumelle par la main et l'invita à prendre place avec elle à une table, invitation que cette dernière accepta bien volontiers.
Le carrelage étant à cette heure plus frais que la piste d'une patinoire, les deux jeunes femmes, toujours soucieuses du bien-être de l'autre, se couvraient mutuellement les pieds à tour de rôle.

Adeline, dont le regard se perdait à nouveau dans celui couleur lagon de son double : Je ne suis pas dupe, tu sais, la découpe de cette robe sonne comme un aveu, mademoiselle ma jumelle... Veux-tu bien m'expliquer ce qui t'a pris de te faire passer pour exilée au-delà des mers ?

La jolie rousse ferma les yeux un instant. Le sortilège lui avait couté plus d’énergie qu’elle ne l’aurait cru, et elle devait a présent rassembler ces esprits, avoir les idées claires pour expliquer a son double le fin mot de l’histoire.


Adelyne, ouvrant lentement les yeux : Pardon ma jumelle, je me sens légèrement vidée après ce tour de passe passe… La raison ? Et bien, elle est fort simple… *se masse les tempes du bout des doigts* Si j’ai fait cela, c’est parce que je pensais que j’étais devenue inutile pour toi… Tu te rappelle surement comme moi de nos derniers échanges n’est ce pas ? Bref, pour que tu puisses retrouver un semblant de liberté, je devais obligatoirement disparaître…

La jeune femme tendit le bras en travers de la table et glissa sa main dans celle de sa sœur, entremêlant ainsi leurs doigts.

Adelyne pris une profonde inspiration puis continua son récit : Seulement, je ne pouvais disparaître sans pour autant ne plus veiller sur toi… Aussi, j’ai demandé a une puissante magicienne de se servir du parchemin qui nous avait permis de séparer nos corps pour créer un nouveau sortilège, qui me permettrait de me fondre en toi, tout en gardant ma propre conscience. En outre, il devait me permettre de prendre le contrôle de ton corps, si jamais je devais être amené à me séparer de toi. Je t’ai donc écris cette lettre pour te faire croire à mon départ puis j’ai utilisé ce sortilège. Seulement, ca ne s’est pas passé comme je l’avais prévu…

Le regard de la jeune femme changea, devenant un peu plus dur.

Adelyne, fronçant les sourcils : En effet, je n’avais pas prévue ce que tu allais faire avec Mystra… Visiblement, le sortilège que vous avez utilisé pour fusionnez vos corps a l’envie a, en quelque sorte, parasité le mien. Je me suis retrouvée en tant que spectatrice impuissante face a vos actions… *soupire* Je dois reconnaître que je t’en ai voulue pour ca, mais après tout, c’était entièrement de ma faute… Et puis, plongée ainsi dans ton esprit, j’ai pu me rendre compte combien en vérité tu tenais a moi, combien tu avais besoin de moi et combien je faisais fausse route depuis le début. Dieu merci, avec vos fusions qui s’espaçait avec le temps mon sortilège a enfin pu retrouver de son pouvoir, et après beaucoup d’essais infructueux, me voici a nouveau a tes cotés…

A la fois émue et amusée par l'incroyable récit qui venait de lui être conté, Adeline ne tarda pas à abandonner son tabouret, pour lui préférer le confort sans égal des cuisses de sa soeur! Désormais assise à califourchon sur cette dernière, la jeune femme l'enveloppa de ses deux bras protecteurs.

Adeline, le sourire des grands jours, approchant son visage de celui de son double : Jouer les espionnes sera toujours plus fort que toi, j'ai l'impression, ma jumelle... J'ai été bête de penser que tu serais capable de partir ainsi, sur un coup de tête, alors que tu as toujours été au courant du moindre de mes battements de cils...

Fermant les yeux, frottant tendrement sa joue contre la sienne, Adeline se sentit soudain si comblée par ces retrouvailles inattendues qu'elle resserra son étreinte à en étouffer sa soeur!

Adeline, respirant à pleins poumons ses effluves délicates et reconnaissable entres toutes : Il n'y a que toi pour élaborer un tel stratagème... Que vais-je m'imaginer, à présent, quand il m'arrivera de me lever seule le matin et de ne pas te voir revenir avant que la nuit ne tombe, mmm ? *relève la tête, la regardant droit dans les yeux, à la manière d'une mère inquiète* Devrai-je me parler à moi-même pour te convaincre de te montrer, au risque de voir un jour le service psychiatrique frapper à notre porte pour m'emmener avec lui ?

Adelyne, ne pouvant réprimer un sourire : Cela ne risque pas d’arriver à nouveau tu sais. Déjà, c’était un parchemin à usage unique, il a été détruit lors de notre séparation. Ensuite, cette formule coutait horriblement cher… Ca m’a pris toute ma fortune, en d’autres mots je suis fauchée comme les blés et je ne risque pas avant longtemps d’avoir l’argent nécessaire pour en acheter un autre ! *rit*


La jeune femme glissa alors ses bras autour de la taille de sa jumelle, avant de poser sa tête a même sa poitrine. Quel doux bruit que les battements régulier du cœur de son double, un bruit apaisant et tellement familier…


Adelyne, relevant péniblement la tête : Puce… Je me sens si épuisée à présent… Allons nous reposer de nos émotions veux tu ? A moins que tu préfère que je m’endorme ici dans tes bras, tel un gros bébé *sourit*

Adeline, appuyant d'un geste maternel la tête de sa soeur contre sa poitrine : Moi je serais toute prête à rester confortablement assise où je suis, mais... Penses-tu pouvoir supporter encore longtemps le poids de ma personne sur tes genoux, mon gros bébé ?

Adeline n'attendait pas de réponse particulière de sa jumelle. Elle la savait à bout de force, tout comme elle-même l'était, l'intervention d'Adelyne ayant eu pour conséquence de les épuiser chacune dans les mêmes proportions. Le menton posé contre la tête de sa soeur, son esprit vagabondait déjà. Elle se sentait en cet instant si bien et tellement à sa place...

Adeline, prenant le visage de sa soeur entre ses mains et déposant un baiser sur son front : Si tu n'étais pas aussi exténuée, je t'aurais bien demandé de me remonter avec toi dans notre chambre, tu sais *sourit* Mais dans notre état, ça serait courir le risque de tomber dans l'escalier...

La magicienne, comme hypnotisée, semblait ne plus pouvoir détacher son regard de celui de cette partie d'elle-même qui lui avait tant fait défaut ces derniers mois. Cette partie d'elle-même si futée, si maline, si experte dans l'art de l'espionnage qu'elle s'était finalement arrangée pour ne jamais l'avoir quittée.

Adeline, dont le postérieur abandonnait de mauvaise grâce une place délicieusement chauffante : Quand j'y repense, quel phénomène tu fais, petite soeur chérie *sourit, tendant une main vers son double pour l'aider à en faire autant*

Adelyne pris la main de sa sœur qui lui était tendrement offerte et s’en aida pour se relever. Lentement, main dans la main comme un symbole de leur complicité retrouvée, elles gravirent les marches de l’escalier qui les séparaient de leur chambre. A peine le seuil fut franchis qu’elles jetèrent ce qui leur restait de robe dans un coin de la pièce, se retrouvant nue l’une face a l’autre. Aucune gène, aucune honte puisque ce corps elles l’avaient partagés de la manière la plus intime qui soit, juste un sourire fatigué mais sincère sur le visage des deux jumelles.

Les deux jeunes femmes s’allongèrent sur le lit l’une a coté de l’autre d’abord, puis très vite elles se blottirent dans les bras l’une de l’autre, savourant un moment longtemps espéré. De plus, par les nuits fraiches qui courraient, la chaleur des deux corps ainsi réunies était plus que bienvenue.

Adelyne, les yeux clos caressant les cheveux de son double : Je suis tellement heureuse de t’avoir retrouvée, si tu savais…

Sa parole n’appelait aucune réponse, elle disait simplement ce qu’elle avait sur le cœur. Lentement, elle bascula dans un sommeil profond, un sommeil ou le rêve s’était, cette fois, transformé en réalité…